Cloîtres de Catalogne


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De la route venant de Tarragone qui serpente à travers les collines couvertes de vignes et d'oliveraies, le monastère de Santes Creus apparaît soudain, lové dans le paysage, dans la chaleur ocre d'un après midi de l'été Catalan. Les quelques maisons du village qui l'entourent ne parviennent pas à détourner l'attention de ses murs simples mais imposants dont la couleur se fond avec celle des collines alentour.
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Monastère de Santes Creus.

Passé le portail de l'enceinte, il faut traverser une première cour avant d'entrer dans les bâtiments du monastère. Le cloître nous accueille ouvrant sur l'église et différentes pièces ayant réglé la vie monastique : réfectoire, salle capitulaire…A l'abri des ardeurs du soleil, ses voûtes apportent la fraîcheur et la sérénité. Le petit jardin intérieur du cloître, discret, comme étonné de se trouver là, apporte la douceur végétale de ses rosiers et de ses orangers. Un petit kiosque de pierre sur l'un des côtés, seul vestige du cloître roman primitif, abrite une fontaine moussue d'eau fraîche destinée aux ablutions. Le cloître invite à la méditation à la fois par la déambulation d'arche en arche, l'esprit allant des projections de soleil sur le dallage aux fleurs du jardin, aux murs et au clocher de l'église. L'architecture a les douceurs du gothique contrastant avec l'austérité de l'ancien cloître avec lequel le cloître gothique communique et de la petite chapelle primitive de la Trinité. Les arches nues entourent des cyprès dont le vert sombre de leur masse élancée vers le ciel ne laisse guère pénétrer le soleil.
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Santes Creus.
Intérieur du cloître
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Abbaye de Fontfroide.
Le cloître


Santes Creus n'est que l'un des rejetons des très nombreuses abbayes cisterciennes qui fleurirent, à partir de 1098 avec la création de Cîteaux, pendant un siècle et demi, en Bourgogne, Champagne, Languedoc, Provence, avant de gagner l'Espagne. Fontfroide a précédé Poblet et Santes Creus de six à sept ans. La filiation architecturale est évidente d'autant que l'architecture n'est là que pour traduire l'élévation spirituelle des communautés monastiques. Nichée au milieu des forêts et des vignes, surplombée de collines rocheuses, l'abbaye Fontfroide conserve en son cœur la grandeur et la sobriété de l'édifice cistercien malgré les ajouts qui ont adultéré sa simplicité originelle. 
Malgré leur beauté et leur classicisme, les cours d'honneur et intérieures témoignent des vicissitudes de l'histoire qui ont détourné l'abbaye de sa vocation première et à tomber en commende en 1476. La vente des biens nationaux lors de la Révolution, l'expulsion des congrégations en 1901, la vente de l'abbaye et son sauvetage par Gustave Fayet, ont laissé des traces. L'enfer est souvent pavé de bonnes intentions et la préservation des bâtiments par Fayet s'est accompagnée de la pose de vitraux colorés que les guides proposent à l'admiration des touristes mais que je trouve, pour ma part, complètement inadaptés. Il faudrait à cet édifice austère des vitraux comme ceux que Soulages a réalisé pour l'abbaye de Conques dont les noirs seraient beaucoup mieux en harmonie avec la simplicité du lieu. L'église abbatiale, toute de simplicité et de rigueur, construite en application du nombre d'or, n'est que symbole d'élévation, comme les voix qui s'élèvent vers la voûte où elles se prolongent pendant de nombreuses secondes avant de s'évanouir dans la profondeur du silence, cri de l'homme s'élevant vers Dieu.
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Monastère de Poblet.
Façade d'entrée.

La simplicité de Santes Creus contraste avec la majesté de Poblet qui impressionne davantage mais ne donne pas ce sentiment d'intimité que l'on éprouve à Santes Creus. Sur la base de canons architecturaux, le cloître de Poblet est il sans doute plus " beau " et plait il davantage à beaucoup. Pour d'autres, la luminosité du cloître de la cathédrale de Tarragone emportera l'adhésion. A la dimension intérieure s'ajoute la richesse de l'environnement. Venant de la nef de la cathédrale on y accédait les yeux encore pleins du retable baroque du maître autel et surtout de la petite chapelle latérale donnant sur le cloître. Un système d'éclairage dispensé par l'offrande d'une pièce de monnaie permettait d'admirer un magnifique retable auprès duquel on pouvait passer sans un regard si l'on ignorait la possibilité de l'éclairer. Les travaux actuels de restauration de l'intérieur de la cathédrale ne permettent plus de l'admirer. Les risques de vol ont obligé à enfermer les objets d'art dans le Trésor du Musée Diocésain auquel on accède par le cloître. Le jardin intérieur du cloître, vaste et très ensoleillé, abrite désormais plusieurs pièces d'eau avec papyrus et nénuphars, de magnifiques rosiers aux fleurs odoriférantes dans un ordonnancement rigoureux que vient renforcer la présence de barreaux de fer à chacune des arches.

Le cloître de la cathédrale de Barcelone impressionne par son caractère plus austère et plus sombre. Comme à Tarragone, des grilles obturant les arches du cloître ajoutent à cette sévérité du lieu.  Cette impression tranche avec la présence insolite en ce lieu d'un troupeau d'oies blanches circulant nonchalamment autour d'un bassin où s'ébattent des poissons rouges et des tortues. La cathédrale s'intègre totalement dans cette partie antique de Barcelone où à quelques pas se trouve le musée Picasso. La visite de  ce musée est indispensable à la connaissance de l'œuvre du peintre Catalan car on y voit des tableaux de jeunesse comme celui de la mort de son père qui porte toute la puissance émotionnelle que l'on retrouvera tout au long de son évolution picturale caractérisée par un dépouillement de plus en plus marqué. 
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Cloître de la Cathédrale
de Barcelone.
Dans cette ville foisonnante d'expressions artistiques exubérantes,de l'architecture de Gaudi ou de Muntaner, de la Sagrada Familia au Palau de la Musica, des délires de Dali aux abstractions de Tapies, le Bario Gotico tranche par sa sobriété, la simplicité de ses façades et de ses ruelles. Par sa diversité, Barcelone reflète la complexité de la personnalité Catalane, chaleureuse et rugueuse, inventive et conservatrice, ouverte sur la mer et refermée sur ses  ruelles et ses maisons. Le jour de la Sant Jordi, une foule se presse dès le matin sur les ramblas  où les étals de livres alternent avec les vendeurs de roses. Peu de villes peuvent se targuer d'une telle expression culturelle populaire.
J'ai une passion particulière pour les cloîtres. J'en ai visité beaucoup. J'aime les cloîtres anglais de Westminster, de Canterbury et d'ailleurs. Le charme discret et bien éduqué d'Oxford et de Cambridge. Les merveilleux gazons et l'agencement des jardins.  J'adore les cloîtres des abbayes cisterciennes, les cloîtres des églises romanes d'Auvergne.

Mais rien ne surpassera, pour moi, la magie des cloîtres de Catalogne.
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