Monastères et icônes albanais

Un album est disponible en cliquant sur le diaporama en bas de page. (Collection personnelle)


Dans la vaste nébuleuse orthodoxe, allant de la Russie aux Balkans, l'Albanie, restée longtemps coupée du monde à l'époque d'Enver Hodja, m'est apparue comme une divine surprise au cours d'un voyage malheureusement trop court. Le peu que j'en ai vu, à Berat et à Ardenika, est sans doute loin de représenter la richesse de ce patrimoine religieux, mais ce fut pour moi une découverte. Par rapport aux impressionnantes icônes du Kremlin, des merveilles d'Andreï Roublev de la galerie Tretiakov, de la collection d'icônes exposée dans la crypte de la Basilique Alexandre Nevski de Sofia, des beautés des monastères de Rila, de Veliko Tarnovo et des monastères de Bucovine en Roumanie, les monastères de Berat et d'Ardenika semblent trop méconnus, alors que l'atmosphère particulière où ils se trouvent leur confère un charme extraordinaire.
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Iconostase de la Cathédrale Sainte Marie à Berat avec de part et d'autre des icônes d'Onufri.

Sur son éperon rocheux qui domine Berat et la vallée de l'Ossum,  se profilant sur les cimes enneigées, à l'intérieur de l'enceinte fortifiée du château, où l'on ne compte pas moins de 43 églises ou chapelles, la cathédrale Sainte Marie et le Musée Onufri recèlent des trésors insoupçonnables. Le château surplombe le quartier de Berat, le Mangalem, qui a valu à Berat l'appellation de la " ville aux mille fenêtres ". Une statue de bronze du peintre Albanais du XVIe siècle, Onufri, peignant une icône, accueille les visiteurs sur la petite place, adossée à la cathédrale Sainte Marie. Rebaptisée cathédrale en 1797, l'église Sainte Marie, pas plus grande qu'une chapelle, garde cette ambiance que l'on imagine inchangée depuis l'époque byzantine. 

Venant de la cour d'entrée, inondée de soleil, on est saisi par la pénombre de la nef, faiblement éclairée où se détachent les ors de l'iconostase. L'ensemble de l'iconostase, d'une grande simplicité, est constituée d'icônes dont seules celles du Christ et de la Vierge Marie sont d'Onufri.

Ci-contre : Icône du Christ de l'iconostase de la Cathédrale Sainte Marie à Berat peinte par Onufri.
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Les autres icônes, ainsi que celles du musée attenant, sont l'œuvre d'artistes connus, comme son fils Nicolas, David Selenica, Konstandin Shpataraku, Cetirs et de nombreux peintres anonymes de grand talent. Les icônes peintes par Onufri s'imposent par leur puissance et par ce rouge caractéristique dont le secret est aujourd'hui perdu.

Ci-contre : Icône de l'iconostase de Sainte Marie à Berat peinte par Kartela.
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On retrouve un rouge éclatant dans le Saint Dimitri de Shpataraku, tandis que les jaunes et les bleus de l'icône de Constantin et d'Hélène, d'une grande douceur, évoquent l'icône de la Sainte Trinité d'Andreï Roublev, sans atteindre à son degré de perfection. Une très belle icône de vierge à l'enfant est présentée à côté de son oclade.

Ci-contre : Oklade et icône de la Vierge à l'Enfant du Musée Onufri de Berat.

Une icône de Saint Nicolas, entourée de scènes de la vie du saint, très lumineuse, est une merveille de couleurs où dominent le jaune d'or et les rouges de différentes intensités.

Sous le dôme central, où se trouvait sans doute une fresque du Christ Pantocrator, on remarque sur le sol une marqueterie de pierre, de forme arrondie, dont les différentes parties rappellent la succession des heures, des jours et des mois, des saisons et des points cardinaux.

Ci-contre : Icône de Saint Nicolas peinte autour de 1591 peinte par Onufe Qiprioti.
Musée Onufri de Berat.
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Dans le petit musée, attenant au fond de l'église, dont le mur est décoré de belles fresques, malheureusement très endommagées, une vingtaine d'icônes sont rassemblées. Certaines surprennent par leur originalité telle cette cène, peinte au  XVIIIe siècle par un anonyme, représentant le Christ et ses apôtres assis autour d'une table ronde.

Ci-contre : Vierge à l'Enfant du Musée Onufri de Berat.
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Ces icônes proviennent des nombreuses églises, situées dans l'enceinte du château de Berat. Leur présence est en soi un miracle, comme celle des précieux Codex, le Codex pourpre du VIe siècle et le doré du IXe siècle, ayant échappé aux pillages et aux destructions. Pour ces quelques rescapés des vicissitudes de l'histoire, combien, et sans doute des plus belles icônes, ont disparues ?

Ci-contre : Musée Onufri de Berat.

Le monastère d'Ardenica se trouve dans un environnement très différent, isolé, au sommet d'une colline entourée de bois, ouvrant sur la perspective de la plaine côtière. Ayant fait résonner le heurtoir de la porte d'entrée, un homme de forte corpulence mais d'une grande douceur, vint nous ouvrir le vantail. Passé le porche, une petite esplanade conduit aux chambres des moines, tandis que l'Eglise de la Sainte Trinité, flanquée d'une colonnade, en ferme le coté droit. L'église primitive aurait été construite en 1282 par l'empereur Byzantin Andronikos II Palaiologos après la victoire sur les Angevins au siège de Berat. Skanderbeg, le héro national de la lutte contre les Ottomans, s'y est marié en 1451. Le monastère fut construit vers le XIIIe-XIVe siècle et l'église de la Trinité reconstruite en 1743. Trente deux mille volumes très précieux furent détruits dans un incendie en 1932. Un curieux clocher rectangulaire blanc tranche avec l'aspect mordoré des pierres de la  nef et l'ocre orangé des tuiles. L'église renferme des fresques assez bien préservées des frères Kostandin et d'Athanas Zografi.
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Vue générale du Monastère d'Ardenica
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Comme à Berat, le passage de la lumière de la cour à la pénombre de l'église, plonge le visiteur dans l'étonnement et le recueillement. La structure de l'église est identique à celle de Berat, avec une superbe iconostase et au fond de l'église une petite pièce, qui n'a pas été transformée en musée, mais où brûlent en permanence des  cierges.

Ci-contre : Iconostase du Monastère d'Ardenica

La chaire, d'une forme étrange, évoque la flamme d'une bougie ou ces torches servant aux processions. Elle est sculptée en bois doré, comme le trône épiscopal qui lui fait face, représentant des éléments de la faune et de la flore.

Ci-contre : Ardenica. Fresque représentant Saint Jean Kukuzeli.
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Elle est surmontée d'une rangée d'icônes de saints. Une majorité des icônes de l'iconostase ont été peintes par Konstandin Shpataraku. Il fallut toute la persuasion de l'évêque Ireneos, en 1967, pour convaincre un groupe de jeunes communistes de ne pas détruire le monastère, en arguant que cela aurait constitué une perte non seulement culturelle mais historique. C'est l'unique monastère d'Albanie où vivent encore des moines qui entretiennent du mieux qu'ils peuvent d'authentiques trésors qui ont failli disparaître.

Ci-contre : Monastère d'Ardenica. Vue de la nef, de la chaire et de l'iconostase.
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Voir l'album de Monastères et icônes albanais.
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